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mercredi 22 août 2012

Kanazawa (金沢) - 2012 - Nagamachi (長町)

Pays/territoire : Nagamachi, Kanazawa, Préfecture d'Ishikawa, Japon


Pour ce nouvel article, je vais vous emmener dans un district appelé nagamachi (長町), pour admirer un bukeyashiki (武家屋敷), un ancien quartier de samuraï (), où ont été préservées quelques unes de leurs somptueuses demeures datant des temps féodaux. Parcouru de vieux canaux et de venelles pavées bordées de murets de torchis, une atmosphère féodale flotte encore en ces lieux où vivaient jadis les samuraï du clan Maeda (前田氏) qui dirigeaient alors la province de Kaga (加賀国) dont la capitale était Kanazawa (金沢).

En raison de la chute du système féodal lors de la restauration Meiji (明治維新), la prospérité des samuraï prit fin également, leurs privilèges ayant été abolis, et de nombreuses demeures furent détruites, changées en exploitations agricoles ou plus simplement vendues. Ce fut la classe des marchands qui pris finalement un rôle prépondérant dans cette période de modernisation du Japon, et les plus prospères d'entre eux purent rapidement acquérir celles de ces propriétés grandioses encore intactes.

Un joli cadre même s'il n'a rien à voir avec notre visite présente.

De beaux murs tout au long de la visite de ce quartier ancien, le raffinement allant jusqu'au plaquage de bois de la partie inférieure des murs. Toutefois, ceci n'a pas pour seule raison l'esthétique. En effet, les hivers sont rudes à Kanazawa, et les chutes de neiges abondantes, aussi est-il coutume de protéger les murs de pisé des dommages de la glace et de la neige à l'aide de nattes de paille appelées komo (こも), de début Décembre à la mi-Mars.
Ces murs de pisé sont coiffés de toits traditionnels en lattes de bois appelés kobaita (小羽板) tels qu'ils étaient durant la période Edo (江戸時代). La plupart des murs de nagamachi ont été restaurés, mais de façon à conserver le style traditionnel de cette époque.

  Entrée de Nomura-ke (野村家), une ancienne résidence de samuraï.

La demeure de la famille Nomura, appartenait durant la période Edo à Nomura Denbei Nobusada (), un des vassaux du 1er daimyō (大名) de Kanazawa, Maeda Toshiie (前田利家). La résidence demeura la propriété de la famille Nomura durant 12 générations, jusqu'à la restauration Meiji. La propriété fut finalement rachetée en début de siècle dernier par un riche industriel, Kubo Hikobei (), alors propriétaire de la compagnie maritime Kitamaebune () à Hashidate (橋立), aujourd'hui ville de Kaga. Il y demeura de nombreuses années, jusqu'à ce que la ville de Kanazawa en fasse l'acquisition et la restaure afin de la rendre accessible au public. Cette demeure témoigne du cadre de vie des samuraï de la période Edo, lorsque le Japon appliquait encore sa politique d'isolement volontaire appelé Sakoku (鎖国).

 Une autre entrée de la propriété, nous y reviendrons plus tard lorsque nous quitterons la demeure.

 Ci-dessus, un ō-yoroi (大鎧) ayant appartenu à la famille Nomura.

Et un plan rapproché du bonsaï (盆栽) de la photographie précédente.

Shōji (障子), tatami () et tokonoma (床の間), nous voici en présence d'une authentique washitsu (和室), une pièce de style japonais traditionnelle.
[Le shōji est une porte coulissante en bois et papier, le tatami est évidemment le revêtement en paille de riz du sol, et le tokonoma est l'alcôve]

Les portes sont décorées de paysages peints de main de maitre par Sasaki Senkei (), un célèbre artiste de la fin de la période Edo.
Des motifs sculptés en bois de kaki sont utilisés pour masquer les clous de fixation des cadres, et de nombreuses pièces de boiseries sont de véritables chefs-d’œuvre de sculpture dans cette demeure conçue pour le raffinement. 

La pacification du Japon conduisit graduellement les samurai à s'échapper de leur oisiveté et à concourir dans les domaines des arts et du savoir-vivre. On peut aisément le constater dans jyōdan-no-ma (上段の間), la chambre d'écriture, dont l’élégance des cadres en bois de cyprès va de pair avec les motifs exquis en bois de rose et en ébène. 

La famille Nomura recherchait davantage de raffinement par l'usage de bois de paulownia pour le style des panneaux d’alcôve et des cadres de bois indien - traits assez inhabituels pour cette époque - pour les portes coulissantes de type shōji qui donnent sur le jardin.

Même pièce sous une autre perspective afin d'apprécier à la fois le tokonoma et la peinture de la porte coulissante - ici un fusuma () puisque le matériau est plein - avant de nous rendre au jardin.
Du fait que je ne possède pas d'objectif wide angle, il me faudra hélas vous présenter le jardin en 3 fois, en raison de l'exiguïté des lieux.
 Ce qui ne nous empêchera pas d'apprécier la verdure et le pas japonais.


On notera également au fond la descente de gouttière japonaise appelée kusari doi (鎖樋) et symbolisant les bonnes nouvelles. Ce type de gouttière est utilisé depuis des siècles et souvent présent dans les temples et jardins japonais, ajoutant par son esthétique et le son de l'eau dégoutant des clochettes, une touche zen () à la contemplation du jardin par un jour de pluie.
 Une dernière vue avant de nous diriger vers l'étage.

 Comme l'indique l'écriteau, il nous faut emprunter l'escalier pour nous rendre à la salle de thé, ou chashitsu (茶室).

 J'aime beaucoup l'allure de cet escalier, même si les pierres sont glissantes.

Arrivés en haut de l'escalier, nous pouvons observer l'intérieur minimaliste et boisé que j'apprécie tant dans les demeures traditionnelles japonaises. Sur la gauche, vous pouvez aperçevoir le nijiriguchi (躙口), l'entrée de la salle de thé. Si vous vous demandez pourquoi ces entrées sont toujours carrées et si petites, c'est le grand maitre du thé Sen no Rikyū (千利休), las de voir la cérémonie du thé dénaturée par les nobles et les puissants, qui instaura cet aspect de son rituel, impliquant de devoir ramper sur ses mains et ses genoux pour entrer dans une chashitsu et nécessitant l'abandon de son ego à l'extérieur en faisant acte d'humilité, dans l'esprit zen propre au sadō (茶道). Les puissants en tirèrent un avantage tactique également :  la cérémonie du thé ayant été introduite au Japon à la période Sengoku (戦国時代) durant laquelle on ne cessait de se faire la guerre, il n'était pas rare de subir une attaque surprise dans un lieu exigu, aussi ce type d'entrée obligeant des assaillants éventuels à entrer un par un et en rampant, neutralisait tout effet de surprise.  

Voici une pièce réservée au chanoyu (茶の湯), la cérémonie du thé. Notez le nijiriguchi sur la gauche.

 Vue sur le jardin.
 
 De retour en bas, une vue globale du jardin et de son pas, ainsi que la véranda.

 Un wakizashi (脇差) et un katana (刀) ayant appartenu à la famille Nomura.

Et voici un autre daishō (大小), un "set" wakizashi-katana.

Et revoici l'entrée secondaire du début, dont nous allons parler un instant avant de poursuivre notre visite du quartier. L'allée de pierres est de style Arare koboshi (), ce qui signifie littéralement "grêle répandue". Son origine provient des paysans japonais qui plaçaient sur les sentiers qu'ils empruntaient des pierres naturelles de différentes tailles afin de les rendre plus praticables.

Une dernière vue du mon () -le portail- avant de poursuivre.

Avec l'arrivée des temps modernes, l'apparence des demeures changea également. Les allées et les murs de torchis des portails nagayamon (長屋門) demeurent néanmoins tels qu'ils étaient autrefois.

 Si la chaleur n'avait été aussi suffocante, cette promenade aurait été superbe.

En plus, il y avait très peu de visiteurs, ce qui n'a rien d'étonnant vu la chaleur.

J'aime bien cette photographie, et particulièrement le sol pavé très artistique.

Le canal Onosho yosui (大野庄用水) traversant ce district et plus ancien des canaux de Kanazawa, servait à acheminer des marchandises du port à la cité.

Informations sur la demeure des Takada (高田), une autre famille de samuraï, dont nous verrons le portail et le jardin.

 Le portail d'entrée de la demeure.

Une vue partielle de la maison et du jardin.

Et une autre du jardin, pour le plan d'eau et le matsu ().

Il y bien sûr d'autres lieux à visiter à Nagamachi, mais je n'ai pu que vous en faire découvrir une partie, aussi pouvez-vous également vous rendre à Ashigaru Shiryôkan (足軽思慮間), le Musée des Fantassins, à l’origine une maison appartenant à un soldat du clan Maeda, ou à Shinise Kinen-kan (), une ancienne herboristerie chinoise fondée en 1779.