Yume (夢), ou
rêve... Parce qu'il faut une certaine proportion de rêve dans la vie de tout
homme afin qu'il ne sombre pas dans la démence ou qu'il ne cesse d'être un
homme. J'ai souvent l'impression que les années passant, les rêves
disparaissent, laissant un vide profond dans notre cœur que nous ne
savons combler par nous même quelle que soit notre intelligence, notre sensibilité
ou notre compréhension. Hélas, les rêves sont un luxe que l'homme ne peut ni ne sait
plus apprécier à notre époque où tout n'est plus que question de temps et
d'argent, plus particulièrement à Tōkyō (東京) qu'ailleurs je le crains.
Souvent
je me plais à observer les gens, surtout depuis ma venue au Japon, car il me
faut bien trouver un ersatz au manque de communication du à mon niveau de
japonais trop basique et aux difficultés en matière de communication et
de relations humaines des japonais. Étant plus jeune, avec mon meilleur ami de
l'époque, nous appelions cela faire les "vampires psychologiques",
expression douteuse mais occupation plaisante à cette époque,
puisque nous nous amusions à deviner la vie et le caractère de nos "proies"
en les observant, en les écoutant, et en les analysant, puis comparions nos
impressions et réflexions. Une forme de dissection psychologique en quelque
sorte.
Depuis quelques années mes
rêves se sont effacés les uns après les autres pour faire place à ce vide
immense dont je parlais tantôt et une profonde détresse que je ne sais
combler. J'arrive heureusement encore à éprouver émotions, désirs,
amour, compassion, mais j'ai toutefois noté une nette
régression concernant ma sensibilité, en particulier mes facultés à
m'émouvoir et à apprécier pleinement un instant agréable, ma
joie étant toujours atténuée par une forme de voile opaque. Cela me chagrine car je ne veux devenir amer et sec,
mais ne sais comment lutter contre cet état de fait. Il est vrai que les
différents problèmes et soucis composant le maelström de ma vie ces 3 dernières
années, malgré mes nombreux voyages au Japon et
quantité de beaux souvenirs, il m'est devenu bien
difficile d'apprécier les brefs instants de bonheur que la vie daigne encore
m'accorder et de ressourcer mon esprit. Le fait est que depuis trop longtemps
maintenant les évènements négatifs se succèdent, et l'absence d'éléments
positifs me portent à croire que la roue du destin s'est
figée pour moi, me laissant dans un bourbier d'où je ne peux sortir. Dans mes
moments de déprime les plus intenses, j'avais pour coutume de dire que j'en
avais assez d'être un pantin cosmique. J'ai bien du mal à trouver encore
quelqu'espoir au fond de moi tant le temps s'est écoulé sans voir le moindre
changement survenir.
Le matin en me rendant à mon cours de japonais (Yamanote Sen - 山手線)
Je fais actuellement une "overdose" de Tōkyō
je pense, et chaque sortie me coûte énormément aussi bien en énergie qu'en
temps. A vrai dire, je voudrais parfois ne pas sortir du futon (布団), simplement continuer à dormir ou écrire des
articles, à surfer sur le net. Mais cette sorte de laisser-aller est teinté d'une
autre envie, probablement une réminiscence de mon premier séjour ici où
j'avais retrouvé en moi force et goût de vivre, désir de découvrir le Japon et
sa culture, envie de prendre un nouveau départ. Malheureusement, tout cela est
passé bien vite pour laisser la place au stress, à la solitude et aux soucis.
La vie ici est loin d'être simple et très différente d'un séjour touristique,
aussi long soit-il, car l'on vit avec l'espoir, le désir et la nécessité de s'y
faire sa place, de construire une nouvelle vie, de se faire des amis. Mais
voilà, nous ne sommes pas en France ici. Comprenez-moi : j'entends par là que
non seulement c'est difficile en tant qu'étranger dans
ses rapports avec les japonais, mais également que les choses sont radicalement
différentes ici, et que même si l'on comprend le modus operandi
de la psyché japonaise et leur culture, us et coutumes, cela ne signifie en
rien que l'on est capable de s'y adapter, ni même d'ailleurs qu'ils
vous accepterons. En toute honnêteté, je ne peux prétendre véritablement que je
me sois fais un seul véritable ami japonais ici. J'ai quelques
connaissances avec qui je discute, vais boire un verre et manger, échange des
mails, parle quotidiennement, mais qui pourrais-je véritablement qualifier
d'ami? Là où le sujet devient intéressant, c'est qu'il n'en va pas autrement
pour les japonais entre eux en règle générale. Sans doute nombre de français
présents au Japon s'empresseront de me contredire, autant en ce qui concerne
les relations franco-japonaises que celles japo-japonaises, mais je n'en
démordrais pas, ayant entamé ce sujet il y a déjà bien longtemps avec ma compagne ainsi que d'autres japonais et japonaises, qui tous m'ont tenu
un discours similaire en mode honne (本音). Les faits sont là et la solitude est un mal qui
touche un grand nombre de japonais en particulier sur Tōkyō.
Fait étrange pour une métropole de 13 millions d'habitants n'est-ce pas? D'où
la raison pour laquelle ils se focalisent tant sur leur
travail, sortent pour manger, boire et s'amuser entre collègues. Ils s’enivrent
des milliers de loisirs disponibles à Tōkyō pour parer à leur
solitude et leur ennui. Je considère d'une matière générale je l'avoue, les
relations au Japon comme étant superficielles et sans grand intérêt pour ma
part, ce qui ne m'empêche pas de les apprécier et de tenter de mieux les
comprendre, de communiquer avec eux à chaque fois que cela m'est possible. De
fait, les japonais ont tous leur petite bulle "portable" qu'ils
emmènent dans le train, à l'école, au boulot, en faisant les courses. Il s'agit
évidemment d'une métaphore (vous ne pensiez tout de même pas à une
innovation hi-tech disponible sur keitai (携帯) non?) mais cette bulle existe, et on peut
même parfois la sentir si l'on observe suffisamment autour de soi. Le train est un
excellent endroit pour le faire, l'espace étant encore
davantage confiné que dans la rue il est très instructif d'observer les comportements de
chacun. Il y a heureusement des exceptions et je suis
toujours ravi lorsque j'en rencontre, des personnes n'acceptant pas ce
mode d'existence et désirant davantage de la vie. En général, il s'agit de
japonais ayant vécu à l'étranger ou simplement "marginaux",
mais ils demeurent rares et nombre d'entre eux "rentrent dans le rang" après quelques années, découragés et épuisés par la pression de leur
entourage. Cela nous aide à comprendre pourquoi tant de jeunes
japonais et japonaises désirent vivre à l'étranger, même si certains
d'entre eux reviennent vite, incapables de gérer le stress éprouvé lors de leur séjour hors du Japon.
Un
excellent souvenir que je conserve d'Okonomimura (お好み村), littéralement "le village aux okonomiyakis",
un spot touristique focalisé sur l'okonomiyaki (お好み焼き) situé à 5-13
Shintenchi, Hiroshima (広島). Des gens vraiment
sympas, et un sake (日本酒) formidable.
Takeya, le meilleur Teppanyaki
(鉄板焼き) parmi tous ceux que j'ai pu visiter au Japon, hélas
fermé depuis. (Kyōto)
Vue de
l'intérieur. L'atmosphère et la nourriture étaient excellentes.
Comme tout cela me manque... Je m'en aperçois en regardant à nouveaux ces vieux clichés. J'ai tant de bons souvenirs de mes voyages et pourtant je me morfonds à Tōkyō alors que j'y ai également passé d'excellents moments. J'aimerais retrouver cette ambiance d'avant mon départ, période me semble-t-il bien plus sereine, malgré la période difficile "après tremblement de terre" et la crainte de la contamination de Fukushima (福島). En effet, comme je l'avais déjà écrit dans un article précédent, depuis mon retour en fin d'année dernière, après un séjour de 6 mois en France je n'ai pas retrouvé Tōkyō tel que je l'avais quittée. J'ignore si c'est en raison du froid hivernal -car au Japon les saisons jouent un rôle très important dans le cycle de la vie quotidienne- mais je n'arrive plus à retrouver l'atmosphère paisible dans laquelle je vivais avant mon départ et tout me semble sans intérêt, m'irritant car incapable de me réadapter à cet environnement autrefois si familier. J'ai bien sur repris le cours quotidien de ma vie, train-école-balade-train-maison, mais pourtant quelque chose manque, quelque chose que je n'arrive ni à définir ni à quantifier, j'ai tout simplement le spleen et ne vois plus que les inconvénients de la vie tokyoïte dans mon quotidien et non plus ses plaisirs. J'espère sincèrement que le printemps approchant, verra également avec l'arrivée du Hanami (花見) une floraison dans mon cœur, car j'en ai grand besoin. Il est vrai qu'en raison de mes soucis actuels, plus particulièrement le manque d'argent par rapport à l'année dernière, l'inéxorable fin de visa et la nécessité de trouver un job dans les plus brefs délais, mes pensées ainsi que mon quotidien s'en retrouvent bouleversés. Je ne peux pour ces raisons apprécier véritablement mon retour à ma vie nippone car j'ai encore au fond de moi et malgré mes efforts pour chasser mes pensées négatives une rancœur tenace envers la personne m'ayant menti et exploité, responsable de la situation actuelle et de l'anéantissement de nos projets, car sans emploi pas de rentrée d'argent, pas de sorties ni de voyages, pas de visa non plus.
Ma
compagne me dit souvent d'oublier et de me concentrer sur l'avenir car mes
pensées négatives attirent davantage de négatif en moi et dans ma vie et j'en
conviens. Mais comment faire lorsque l'on vit avec cette amertume au cœur? Ce
n'est pas faute de chercher mais dites-moi donc comment faire lorsque vous ne
maitrisez pas la langue, n'avez pas les diplômes ou qualifications adéquats et
que le nombre d'offres d'emploi avoisine le 0? J'aimerais tellement trouver
une solution à tous ces problèmes et pouvoir tirer un trait sur ce misérable
et pénible début d'année 2012. J'hésite actuellement à m'enregistrer sur un des
nombreux sites proposant aux japonais l'apprentissage du français avec un
"french teacher", les leçons de café. Ce n'est pas
brillant, ça ne rapporte pas énormément et ne vous offre pas de visa mais vous
permet de survivre et de payer votre abonnement et vos
cigarettes, votre café. Suis-je donc si insignifiant? Malgré mes 3
langues, mes compétences en informatique
ainsi que ma culture générale, sans compter mes connaissances de la culture
japonaise, je reste un gaijin (外人)
parmi des milliers d'autres, ni plus ni moins. Tout cela ne vaut pas un copec.
J'aime le Japon et les japonais? Et après? Malgré mes
efforts, je n'ai pu obtenir quoi que ce soit et personne ne nécessite mes
compétences ou mes services. Ne croyez pas que je me lamente, je fais
simplement un constat : je ne suis pas intéressant pour le Japon, et ce
ne sont partout que portes fermées, sentiers obstrués. Alors vers où orienter
mes pas? Combien de temps attendre avant de trouver quelque chose?
Trouverais-je quelque chose? Devrais-je rentrer en France, et retrouver ma vie sans intérêt? 2012 est une année de décisions
pour moi, décisions que je ne sais prendre.
J'aimerais
à nouveau parcourir les rues de Ponto-chō (先斗町) la nuit, entendre le son d'un Shamisen
(三味線) filtrer à travers les murs d'une ochaya
(お茶屋), me faisant frémir et réveillant en moi ce
sentiment étrange et indescriptible que j'éprouvais alors pour le Japon.
J'ai bien du mal à m'imaginer devoir quitter le Japon car je conserve l'espoir d'un changement, et mon amour profond pour ce pays et ses habitants s'il est actuellement occulté au profit de sentiments plus négatifs dus à ma situation, n'a pas disparu pour autant. La solution réside dans l'obtention d'un travail digne de ce nom me permettant de subvenir à mes besoins et d'obtenir un visa, deux conditions nécessaires si je désire vraiment m'établir durablement sur le sol nippon. Je me dois de concentrer tous mes efforts à la recherche de ce "Graal" mais où chercher lorsqu'on est au milieu du désert? Si seulement je pouvais vivre de la plume et de l'image ! Quel idéal ce serait pour moi que de voyager à travers le Japon et de partager mes découvertes avec mes lecteurs. Un bien beau rêve...
J'ai bien du mal à m'imaginer devoir quitter le Japon car je conserve l'espoir d'un changement, et mon amour profond pour ce pays et ses habitants s'il est actuellement occulté au profit de sentiments plus négatifs dus à ma situation, n'a pas disparu pour autant. La solution réside dans l'obtention d'un travail digne de ce nom me permettant de subvenir à mes besoins et d'obtenir un visa, deux conditions nécessaires si je désire vraiment m'établir durablement sur le sol nippon. Je me dois de concentrer tous mes efforts à la recherche de ce "Graal" mais où chercher lorsqu'on est au milieu du désert? Si seulement je pouvais vivre de la plume et de l'image ! Quel idéal ce serait pour moi que de voyager à travers le Japon et de partager mes découvertes avec mes lecteurs. Un bien beau rêve...
Longer
à nouveau les bords de la Shirakawa (白川) en admirant les sakuras
(桜) en fleur luisants de la rosée nocturne.
J'ai
également songé tant je suis découragé par Tōkyō ces derniers
mois, à rechercher du côté de Kyōto qui reste ma ville favorite,
mais là encore, dans l'hypothèse où je trouverais une opportunité, il me faudrait peser le pour et le contre car ma compagne dispose d'une
excellente situation à Tōkyō qu'elle ne saurait probablement
retrouver sur Kyōto. Pourtant, il me faut bien trouver des
réponses à mes questions, des solutions à mes problèmes. Je ne peux
éternellement vivre de la sorte. Je ne suis pas exigeant et ne saurais l'être compte tenu de ma situation. Je désire
simplement pouvoir travailler, de préférence dans un domaine stimulant tel que
l'enseignement, la traduction ou la création, et obtenir ainsi mon droit
de séjour. Je voudrais continuer à voyager à travers le Japon, car il me reste
encore tant à découvrir de ce pays.
J'aspire
à retrouver la sérénité et vivre simplement et sainement au Japon. A longue
échéance, j'aimerais véritablement pouvoir m'installer à Kyōto
que j'aime et qui à mon goût est plus proche de l'image que j'ai du
Japon que Tōkyō ne l'est. De plus, j'aime davantage le contact
des gens du Kansai (関西) que celui des gens du Kantō
(関東) et la nourriture y est meilleure je trouve. Il n'y
règne pas l'agitation permanente de la métropole et je dois avouer que
m'éloigner du nord-est et m'épargner ainsi les soucis d'un éventuel "big
one" et des aliments contaminés me serait un soulagement.
J'apprécie aussi Kyōto pour son style de vie plus traditionnel et
plus authentique à mes yeux, car l'authenticité à toujours eu une place
primordiale dans ma vie. Tōkyō est une belle et grande ville,
très intéressante à bien des égards, et certainement un idéal pour bien des
personnes à la recherche d'une vie à 200 km/h, mais je reste comme le dit
souvent ma compagne un "inaka boy" (un garçon de la
campagne) et j'aime le calme, l'intimité et la
proximité de la nature, la vieille architecture, la présence d'un passé hélas
révolu, ici comme en France. En ce sens, je demeure un rêveur et un
idéaliste et mes aspirations n'ont en rien changé. Je désire toujours autant
avoir mon chez-moi dans une maison modeste à proximité de la nature
plutôt qu'un bel appartement en ville.
Perdu dans mes songes, marcher encore et encore le long du petit canal
bordant le Tetsugaku no michi (哲学の道) comme tant de
philosophes en leur temps l'ont fait également. Une de mes promenades favorites
à Kyōto.
Pour
clore ce long et fastidieux article, je dirais que mon rêve se résume à ceci :
pouvoir exercer un métier ou avoir ma propre entreprise, me
permettant d'apprécier ma vie pleinement tant au travail que dans le privé en
me laissant assez de loisir pour découvrir le Japon plus en profondeur, et
avoir enfin à nouveau un vrai chez-moi, dans une petite maison à
mon goût, mon refuge. J'aimerais beaucoup promouvoir ce Japon profond à l'étranger, en particulier aux
français qui en majorité n'ont d'intérêt que pour le Japon moderne, soit faire
découvrir la France et sa culture aux japonais par l'enseignement
de notre langue et de notre littérature, et la découverte de notre
culture. Trop souvent ais-je eu l'occasion de constater l'absence
d'une culture française authentique malgré le grand nombre d'établissements
français, d'inspiration française ou les différentes formes de promotion
de notre culture, trop souvent limitées par une communauté française trop élitiste.
A vrai
dire, j'ai une bien mauvaise expérience de
la communauté française sur Tōkyō qui reflète une image très
négative de notre pays. Certains expatriés français de longue date ont
d'excellentes situations et forment une sorte de cercle élitiste hermétique,
n'accordant que peu d'intérêt à leurs compatriotes tout comme aux japonais et
à leur culture en général. Je me pose souvent la question de la véritable
utilité de la présence de ces nantis sur le sol nippon. D'une manière plus
générale, je n'ai pu constater que leur arrogance, leur
suffisance et leur égoïsme à l'égard de leurs concitoyens expatriés. En conséquence, je m'en suis éloigné et m'en
félicite.
Pour
en revenir à nos moutons, je dirais que mon
souhait le plus cher serait de "redorer le blason"
français au Japon en apportant véritablement quelque chose aux japonais, via la promotion de leur pays à l'étranger (ce dont ils ont grandement
besoin actuellement suite aux évènements de l'an passé) ou via l'apport de
notre culture sur le sol nippon de quelque forme que ce soit.
Je
remercie ceux d'entre vous qui se seront donné la peine de lire cet article de
bout en bout car je le sais long et inhabituel en comparaison des autres
articles de ce blog. Merci de votre intérêt.
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